La quille du bateau

Jean-Pierre Dick (« Virbac Paprec 3 »), déjà victime d’un abandon en 2009, a subi lundi soir un peu avant minuit un terrible coup du sort. À un peu plus de 2000 milles des Sables d’Olonne, soit une semaine avant l’arrivée estimée, le skippeur niçois a perdu sa quille. Une avarie majeure qui aurait pu le faire chavirer rapidement. Il a fallu tout le sang-froid du marin et un peu de chance pour éviter le pire. Alors qu’il était sur le pont pour régler ses voiles en prévision d’un grain, il a déclaré « avoir entendu un grand bam ». Puis « le bateau s’est couché tout de même assez violemment ». Jean-Pierre Dick a pu très rapidement réagir, choquer (lâcher) les voiles en grand pour redresser et remplir les ballasts à ras bord pour stabiliser le bateau. Mardi 22 janvier au matin, celui-ci faisait route à petite vitesse vers les Açores. L’avarie de Jean-Pierre Dick vient rappeler que les problèmes techniques de ces grands voiliers de course, profilés et allégés au maximum, viennent en général des éléments dépassant de la coque. Le mât peut se briser, comme c’est arrivé lors de ce Vendée Globe à Samantha Davies. Les safrans (parties immergées du gouvernail) ou les hydrogénérateurs, ces hélices plongées dans l’eau pour produire de l’électricité, peuvent se détacher – c’est la mésaventure qui a poussé Bernard Stamm à l’abandon. La quille peut être endommagée par un choc avec un objet flottant – Jérémy Beyou l’a vécu, ce qui l’a obligé à renoncer en début de course. Le lest peut aussi carrément se détacher, complètement ou partiellement, sous l’effet des forces gigantesques qu’il doit supporter. Selon les premières déclarations de Jean-Pierre Dick, il semble qu’il soit plutôt dans le deuxième cas. En 2009, Marc Guillemot avait fait les 2000 derniers kilomètres sans lest et il a dû renoncer cette année dès les premiers jours à la suite d’une rupture de la quille un mètre en dessous de la ligne de flottaison. Sa mésaventure restera longtemps un cas d’école pour les architectes marins car son sponsor, Safran, spécialisé dans les équipements aéronautiques, avaient tenté des innovations de matériaux sur cette partie du bateau qui se sont avérées peu concluantes. La quille reste le casse-tête principal de tous les constructeurs de bateau de course. Cet équipement qui n’apporte pas grand-chose à la performance pèse très lourd dans l’équilibre masse-vitesse, car il représente jusqu’à 30 % du poids total. La tendance à l’alléger le plus possible le rend vulnérable sur les bateaux de course. Ce qui n’est pas le cas pour les bateaux de croisière, où une perte de quille est quasi impossible car les constructeurs prennent une importante marge de sécurité au détriment de la performance.